John Steed et sa partenaire sont deux agents secrets britanniques. Ils luttent inlassablement contre les criminels en tout genre.
Créé en 1961, The Avengers (soit littéralement Les Vengeurs) n'était au départ qu'une banale série policière sans grand intérêt avec un duo Dr Keel (Ian Hendry)/ John Steed (Patrick Macnee). Le départ en fin de 1ère saison de Ian Hendry va permettre aux créateurs de la série un coup de génie : et pourquoi pas une femme aux côtés de Steed ? Révolution dans le monde de la fiction télévisuelle puisque le duo des héros sera mixte dès la 2ème saison qui voit l'arrivée d'Honor Blackman dans le rôle de Cathy Gale. Et Mrs Gale ne sera pas une simple potiche, loin de là. Ceinture noire de judo et avide de sensations fortes, elle sera le premier personnage féminin (qui a dit féministe ?) fort de la télévision. Les scénaristes appréhendent la réaction des spectateurs face à ce bouleversement. Ces derniers sont ravis : les hommes de voir une jolie femme pleine de panache, les femmes de voir enfin une icône à laquelle elles aimeraient ressembler. La série fait un tabac et truste les meilleures audiences en Grande Bretagne. C'est reparti pour une 3ème année ! Même si les histoires de ces deux saisons restent somme toutes très conventionnelles, Cathy Gale dynamite le show et la relation tumultueuse qu'elle entretient avec John Steed intrigue les téléspectateurs : amis ou amants ? Ce ne sera finalement jamais dévoilé puisque Honor Blackman quitte la série en fin de 3ème saison pour aller rejoindre une autre grande figure de l'espionnage britannique : James Bond pour Goldfinger.
Les producteurs sont inquiets : comment allait-on remplacer un personnage qui a marqué de son sceau la série et qui lui a fait connaître ses plus belles audiences ? La nouvelle partenaire féminine de Steed devra exercer un attrait irrésistible sur les hommes. De man appeal à Emma Peel, il n'y a qu'un pas ! Les premiers épisodes tournés avec la nouvelle actrice (Elizabeth Shepherd) ne convainquent pas. Le rôle échoit finalement à une certaine Diana Rigg, qui n'avait joué jusqu'ici que du Shakespeare et n'avait pas une irrépressible envie de jouer le rôle. Autre nouveauté pour cette saison : la série, tournée auparavant pour des impératifs budgétaires sur format vidéo (soit dans les conditions du direct, puisque ce format interdit tout montage), sera maintenant en film 35 mm, comme au cinéma. Ce nouveau format laisse plus de liberté aux scénaristes pour ajouter des extérieurs, varier les décors...bref réaliser un véritable petit film hebdomadaire. Brian Clemens, qui ne faisait jusqu'ici qu'écrire quelques scénarios, prend les rênes de la série et va lui donner le style qui la propulsera aux sommets de la gloire. L'Angleterre sera montré d'un point de vue caricatural seulement ; c'est-à-dire qu'aucune référence aux difficultés sociales de l'époque ne sera faite. Par ailleurs, la nature de la relation Steed/Mrs Peel restera secrète, là où Steed ne faisait pas mystère de ses sentiments pour Mrs Gale les deux saisons précédentes. Brian Clemens préfère laisser galoper l'imagination du spectateur, avec l'imparable principe narratif : mieux vaut suggérer que montrer. Cette saison voit d'ailleurs l'apparition des devil minds : des répliques à double sens entre nos deux héros, aux sous-entendus souvent sexuels, que les fans s'amusent à chercher au gré des répliques. La série sera intemporelle : aussi swinging que soient les 60's, les connotations culturelles à la mode, musique et autres créations de cette période seront oubliées. Enfin, Chapeau Melon ne sera plus attaché à un genre particulier, contrairement aux saisons précédentes. Ce dernier ingrédient permet enfin aux scénaristes de se libérer des contraintes du monde de l'espionnage pour évoluer dans la science fiction, le fantastique, la comédie et même la parodie. Les épisodes sont de plus en plus fous, le duo de plus en plus sexy et la mise en scène de plus en plus raffinée. Par conséquent, la série cartonne...de plus en plus ! Les Etats-Unis achètent même la série mais à condition que la prochaine saison de la série, jusqu'ici tournée en N&B, soit en couleurs.
Et c'est donc parti pour une 5ème saison en couleurs ! Bénéficiant de l'apport des capitaux américains, la série est sur le plan formel à son apogée : jamais elle n'avait été aussi belle ! La souplesse financière permet aussi aux scénaristes d'aller encore plus loin dans leurs histoires incroyables, allant même jusqu'à miniaturiser Steed pour Mission très improbable ! Le monde entier adore : en Europe et aux Etats-Unis, Chapeau Melon et Bottes de Cuir rencontre un énorme succès. Malheureusement, la production doit affronter un nouveau coup dur : Diana Rigg ne souhaite pas continuer la série.
Il va falloir donc trouver une nouvelle Avengers girl : ce sera Linda Thorson, une jeune comédienne de 20 ans dans le rôle de Tara King. Après un début de production chaotique, la 6ème saison peut enfin commencer avec Ne m'oubliez pas ! qui permet un passage de relais entre Emma Peel et Tara King. Là où Mrs Peel et Cathy Gale avaient une relation d'égal à égal avec Steed, ce dernier se montre plus paternaliste avec Tara King, jeune agent secret inexpérimentée, à l'image de l'actrice encore débutante dans la comédie. Conscient que ce nouveau duo est moins excitant pour le téléspectateur, les auteurs de la série mettent l'accent sur des histoires toujours plus folles, qu'on croirait parfois écrites sous acide : les clowns sont ainsi des serial killers burlesques (Clowneries), les jeux de société sont mortels (Jeux) et la série prend même des allures de western (Je vous tuerai à midi). Le personnage de Tara King conquiert vite le public et son évolution en filigrane tout le long de la saison maintient en haleine. Suite à un choix de programmation désastreux, cette 6ème saison fait un flop aux Etats-Unis. La série, aux coûts de production en inflation constante, était devenue étroitement dépendante des fonds américains et ceux-ci ne veulent plus financer sa production. Ainsi, et malgré son succès un peu partout en Europe, cette 6ème saison sera la dernière de la série. Dans l'ultime épisode, nos deux agents partent ...en fusée ! Un départ en apothéose où l'on nous promet : « Ne vous inquiétez pas, ils reviendront bientôt ». Ce sera le cas mais 7 ans plus tard pour les New Avengers, et là c'est une autre histoire !
Arrivée d'un personnage féminin, passage au format film puis à la couleur. En 6 années de production, Chapeau Melon a connu une évolution constante et unique, aussi bien dans son fond que dans sa forme. Elle n'aura cessé de surprendre son public et en 6 ans seulement aura marqué de son empreinte l'histoire de la télévision.
John Steed fait partie des services secrets britanniques. Expérimenté et efficace, il en est l'un des meilleurs éléments. Mais, John Steed est surtout un gentleman typiquement anglais, dont les meilleures armes restent le flegme et l'humour. En 1961, Patrick Macnee accepte le rôle du mythique John Steed pour la série Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Il sera le seul acteur à être présent tout au long de la série. Il va lui-même affiner son personnage et le faire évoluer en dandy pur british allant jusqu'à lui apporter son accessoire culte : le chapeau melon. La série va faire la renommée internationale de Patrick Macnee et son personnage va rentrer dans la légende télévisuelle. Patrick Macnee est d'ailleurs toujours resté très attaché à la série et est particulièrement volubile à ce sujet. Il en a même écrit un livre The Avengers and me fourmillant d'anecdotes sur le tournage de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. L'arrêt de la série va permettre à Macnee de rejoindre définitivement les Etats-Unis, un pays dont il était citoyen depuis 1959. Il enchaîne les apparitions guest star dans les séries les plus populaires : Columbo, Le Virginien et vient même faire un clin d'oeil amical à son ancienne collègue Diana Rigg dans Diana. Mais John Steed doit reprendre du service et il revient en Angleterre pour tourner les deux saisons des New Avengers. Une reprise des Avengers dont il n'a jamais été très content par ailleurs. Il repart ensuite en Amérique où il continue à multiplier les participations dans des séries TV : Galactica, Magnum, Pour l'amour du risque, La Croisière s'amuse et Arabesque. Il obtient aussi quelques seconds rôles au cinéma dans Le Commando de sa majesté (1979), Hurlements (1981), le seul film dont Patrick Macnee soit fier, et le James Bond Dangereusement vôtre (1985). Depuis l'acteur se fait plus discret et coule une retraite tranquille en Californie. Il accepte toutefois de faire quelques apparitions à la télévision (Frasier en 2001) et a même joué dans le film Chapeau Melon et Bottes de Cuir (1998), un film qu'il a pourtant largement dénigré par la suite.
Mrs Peel est la fille de l'industriel John Knight, elle a pris la tête de l'empire de son père à 21 ans seulement. Le mari de Mrs Peel a mystérieusement disparu en Amazonie. Elle travaille maintenant dans l'espionnage. Ses compétences et connaissances dans de nombreux domaines font d'elle une associée indispensable à Steed. En 1964, Diana Rigg passe sans grande conviction l'audition pour le rôle de Mrs Peel pour la série Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Finalement retenue, elle interprètera pendant deux ans et 50 épisodes cette héroïne désormais culte. L'actrice est néanmoins mal à l'aise avec la brutale notoriété que lui a apportée l'énorme carton de la série. Son envie irrépressible de reprendre à plein temps le théâtre l'incite à quitter son rôle en 1967. Depuis Diana Rigg refuse avec véhémence de parler de Mrs Peel, personnage qui lui a pourtant apporté une célébrité mondiale. En 1969, Diana Rigg est choisie pour deux premiers rôles : Assasinats en tous genres et le James Bond Au service secret de sa majesté. Diana Rigg sera même la seule Bond girl à réussir à passer la bague au doigt de l'espion le plus connu de la planète. En 1971, elle obtient un rôle important dans L'Hôpital, puis, l'année suivante, dans le film d'horreur Thêatre de sang. Film dans lequel elle joue la fille du personnage incarnée par Vincent Price. On lui propose ensuite de créer sa propre sitcom aux Etats-Unis. Ce sera Diana en 1973 dont l'audience sera loin d'égalée celle de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Elle ne délaisse par pour autant le théâtre et fait même scandale dans la pièce Abelard et Héloise. En effet, pour la première fois dans l'histoire du théâtre, elle apparaît complètement nue sur scène ! Dans les années 80, elle continue à avoir des rôles étoffés dans de nombreux films comme Meurtre au soleil (1981) ou Les Muppets à Londres (1981). Elle joue aussi dans des téléfilms, comme Rebecca (1997) où elle est Mrs Danvers. Diana Rigg a même eu sa propre série policière en Grande Bretagne : Mrs Bradley Mysteries (1998). Récemment, elle a participé au film The Painted Veil où elle a côtoyé Naomi Watts et Edward Norton.
Tara King est une jeune agent secrète, toujours en formation quand elle est appelée pour remplacer Mrs Peel auprès de Steed. Encore novice donc, Tara va se révéler être de plus en plus compétente au fil de ses enquêtes. Elle est choisie parmi plus de 200 candidates (même si quelques mauvaises langues disent que sa relation intime avec l'un des producteurs de la série a faussé le casting) et signe fin 1967 pour succéder à Diana Rigg dans Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Elle choisit elle-même le nom de la nouvelle Avengers girl : Tara en référence à Autant en emporte le vent et King pour le film sorti en 1964 King & Country (Pour l'exemple en français). Au départ réticent, Patrick Macnee va finalement prendre sous son aile sa nouvelle partenaire. L'arrêt de la production de la série et la popularité apportée par Tara King permet à Linda Thorson de sortir son premier disque, sans grand succès. Ensuite, malgré sa fraîche notoriété, les propositions n'affluent pas pour Linda Thorson qui doit se contenter de quelques publicités et rôles au théâtre. Ce n'est qu'en 1977 qu'on la retrouve sur la toile dans Valentino puis l'année suivante dans L'Empire du grec. L'actrice vit maintenant aux Etats-Unis ce qui lui permet de participer régulièrement à de nombreuses séries télévisée : Clair de Lune, Star Trek et Kung Fu la légende continue. Plus récemment, elle a joué dans New York police judiciaire en 2001. La genèse des Avengers est impossible à appréhender correctement, puisque seulement trois épisodes de cette période ont été conservés ! En effet, à l'époque, il était coutume de réutiliser les bandes vidéo d'une série (ce matériel était en effet très onéreux) pour en tourner une autre. Le système de rediffusion n'existait pas encore et on ne jugeait donc pas utile de garder une copie de chaque épisode. Ce sont donc trois épisodes de cette saison qui ont été miraculeusement (et récemment) retrouvés : les 20 premières minutes du premier épisode de la série Neige Brûlante, Le Trapéziste et Passage à tabac. Autant le dire tout de suite, hormis leur réel intérêt historique, ces épisodes sont loin d'être mémorables. On ne reconnaît rien dans ces trois épisodes de ce qui nous a séduit ensuite dans la série : l'humour est absent, les intrigues conventionnelles et Steed est méconnaissable, aussi bien dans son attitude que dans son look. De plus, le Dr Keel apparaît bien fade en comparaison des pétillantes Avengers girls qui suivront. Que dire de l'aspect artistique tant ces trois épisodes s'apparentent à du théâtre filmé sans invention ? On s'ennuie ferme donc et le visionnage de ces trois épisodes n'est pas obligatoire pour apprécier ensuite la série. Neige Brûlante, épisode pilote, si on peut dire, nous permet cependant de comprendre l'origine du titre : The Avengers (soit littéralement Les Vengeurs). En effet, cet épisode montre l'assassinat de la fiancée du Dr Keel. Dr Keel va lui-même venger la mort de sa fiancée en retrouvant, avec l'aide de John Steed, ses assassins. C'est donc ce premier épisode qui explique le titre original de la série. Un titre qui n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'elle est dès la saison suivante. Pour une fois, on pourra préférer le titre français : Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Ce titre laisse volontiers de côté cette première saison boiteuse et traduit bien mieux l'esprit de la série.
Toujours tournée en vidéo avec un budget étriqué, la saison 2 adjoint au début à Steed le Dr Martin King. Une pâle copie d'un personnage déjà bien insipide ce qui rend les trois premiers épisodes vraiment pénibles à regarder : Mort en vol, Mission à Montréal et La Trahison font par leur classicisme outrancier, écho à la désagréable 1ère saison. Heureusement, l'arrivée de Mrs Gale (superbe Honor Blackman) dans Missive de mort change la donne. Si les scénarios sont toujours des histoires d'espionnage bourrés de poncifs, son personnage pimente la saison. La relation qu'elle entretient avec Steed, ce dernier ne lui cache d'ailleurs pas ses sentiments, ajoute une tension amoureuse fort appréciable à la série. Il est drôle de constater que beaucoup d'intrigues prennent place à l'étranger alors que Chapeau Melon est encore intégralement tourné en studio à cause de son format vidéo. Paradoxalement, à partir de la saison 4, alors que la série profitera enfin d'extérieurs, l'action se déroulera exclusivement en Grande Bretagne ! Ainsi Combustible 23 prend place à l'aéroport de Marseille et Missive de Mort en Jamaïque. Impitoyablement, ces épisodes sont de gros ratages, car à l'ambition démesurée pour une série produite avec un budget dérisoire. Les scènes de combat sont aussi risibles. L'impossibilité de recourir à des doublures, là encore la faute au format vidéo, décrédibilisent totalement ses scènes. Néanmoins, Honor Blackman améliore visiblement son judo au fil de la saison.
Mais Cathy Gale n'est pas le seul personnage féminin de la saison. En effet, Venus Smith, une chanteuse de cabaret, devient la partenaire de Steed pour 6 épisodes : Le Décapode, Tueur à gages, La Boîte à trucs, L'Ecole des traîtres, L'Homme dans le miroir et Le Clan des grenouilles. Le personnage de Venus Smith (jouée par la sympathique Julie Stevens) est pour sa part une vraie potiche, respectant les canons du genre. Elle apporte pourtant un relief comique non négligeable et nous offre quelques séquences chantées distrayantes. Son personnage figure même dans quelques bons récits cette saison, comme La Boîte à trucs ou L'Ecole des traîtres. Le plus regrettable dans cette saison 2, où l'on perçoit à peine le potentiel des Avengers, c'est finalement son support vidéo : les images sont sombres et granuleuses, les dialogues parfois inaudibles, la mise en scène (limitée par les contraintes du support) souvent fonctionnelle. On est loin de l'enchantement visuel des ères Peel et King ! Les conditions de tournage en direct limitent considérablement l'impact dramatique et artistique de la série qui, dés qu'elle souhaite se montrer plus ambitieuse, échoue lamentablement.
Malgré tout, la lente évolution de John Steed en gentleman 100% british est intéressante à observer. Celle du personnage de Cathy Gale l'est tout autant : au départ méfiante de Steed et souvent sur la défensive, elle va s'adoucir et faire preuve d'un peu d'humour. Cette saison a aussi ses bons moments, dés que les scénaristes s'écartent enfin du monde de l'espionnage : Le Sorcier (premier épisode fantastique des Avengers au demeurant très réussi) et Monsieur Nounours (où les auteurs montrent un peu de fantaisie) sont à retenir. Le reste est de qualité très variable, tirant plutôt vers le bas, et, comme la première, on peut passer outre cette deuxième mouture sans grande culpabilité. Le début du mythe Chapeau Melon et Bottes de Cuir : la femme (et quelle femme !) fait son apparition. Quel dommage que cette révolution se fasse dans une saison sans grande originalité, ni prétention artistique. La saison 3 institue Cathy Gale comme Avengers girl permanente auprès de Steed, qui est maintenant un véritable dandy anglais. Le Dr King et Venus Smith sont passés à la trappe sans grand regret. La série se dote enfin de ses deux accessoires cultes : John Steed ne se sépare dorénavant plus de son chapeau melon et les stylistes habillent Mrs Gale tout de cuir, plus par praticité pour les combats que pour raisons esthétiques. Progressivement, les ingrédients du futur succès de la série prennent donc place. Surtout que le budget de la série, suite logique de son succès outre manche, a été augmenté. Cela se ressent avec des décors de meilleure facture et des combats légèrement plus crédibles. Même si artistiquement la série, toujours filmée sur support vidéo, reste dans les abysses. La ridicule fusillade en extérieur, avec des bruitages du même acabit, des Fossoyeurs est symptomatique d'une série qui peine à avoir une identité visuelle acceptable. Si la forme n'a donc que très peu progressé, les scénarios sont pour leur part bien mieux troussés que la saison précédente, et ce malgré des contingences techniques écrasantes. Les intrigues psychologiques, comme le fascinant Plaidoirie pour un meurtre et le grandiose Ne vous retournez pas, forment des épisodes brillants. La série commence timidement à se diversifier, avec plus ou moins de bonheur. Si une majorité d'épisodes manquent encore désespérément de rythme (Balles Costumées, Cette grandeur qu'était Rome ou Mort d'une ordonnance sont à cet égard particulièrement ennuyeux), d'autres font preuve d'un suspense inattendu. Le Cocon, par exemple, qui s'il manque d'originalité, fait preuve d'une grande efficacité et propose un récit aux multiples rebondissements. Avec Mort à la carte, la série montre qu'elle est à l'aise dans le domaine de la comédie. En effet, pour les besoins de l'enquête, Steed devient chef et son incompétence aux fourneaux donne lieu à quelques scènes très drôles. L'humour prend ainsi une place de choix dans la saison, notamment à travers les échanges savoureux entre Steed et Mrs Gale. La série se dégage petit à petit d'intrigues policières ou d'espionnage classique et commence à utiliser le thème des doubles (L'homme aux deux ombres) ou s'intéresse à la politique (Le 5 novembre). Si rackets, trafics en tout genre et autre guerre froide ont toujours la part belle, le traitement narratif est plus inventif que la saison précédente. Cette saison est plus divertissante que la saison précédente, jouant habilement la carte de l'humour. Cependant, la série souffre énormément de ses carences techniques et artistiques. Le format vidéo, toujours utilisé, l'empêche de s'épanouir pleinement. Au final, cette troisième année est bien moyenne, surtout vu ce que seront les saisons suivantes.
C'est véritablement à partir de cette saison 4 que la série devient celle qui a marqué nos mémoires, celle qu'on avait du mal à reconnaître les 3 premières années. C'est aussi à partir de cette saison que la série sera diffusée en France en 1967, permettant aux français de rentrer tout de suite dans le meilleur de la série. Deux changements majeurs pour cette 4ème année. Tout d'abord, la série est maintenant tournée sur format film ce qui facilite considérablement les conditions de tournage (les acteurs ne sont plus obligés de tourner leurs scènes dans les conditions du direct, apports d'extérieurs, utilisation de doublures pour les scènes d'action) et donne un cachet cinématographique indéniable à la série. La série reste toutefois toujours en N&B. C'est ensuite l'arrivée de Mrs Peel (délicieuse Diana Rigg) qui devient la partenaire de Steed. Un personnage tout aussi culte que la série qui par son sourire mutin, son humour caustique, ses tenus affriolantes... et ses aptitudes en kung fu marqueront des générations de spectateurs. Son charme inimitable a fait d'elle la reine incontestée des femmes d'action du petit écran, écrasant les Drôles de dames et autre chasseuse de vampires. Son arrivée catapulte la série aux sommets de sa gloire. Pourtant force est d'admettre que le début de la saison ne laissait pas augurer du meilleur : le personnage de Mrs Peel n'est pas encore affiné et est encore trop proche de Mrs Gale. Les scénarios, eux aussi, renouent avec la médiocrité des saisons précédentes. Enfin, les réalisateurs de la série profitent mal du format film. Avec ces trois premiers épisodes mineurs (Les Aigles, Meurtres par téléphone, Mort en magasin), on commence à se demander si les producteurs de la série n'ont pas raté la coche. Il faudra finalement attendre le 4ème épisode Faites de beaux rêves pour une réponse aussi brillante que cinglante : ce n'était qu'un temps d'adaptation bien nécessaire à tous ces changements ! Faites de beaux rêves est époustouflant. L'originalité du sujet (la télépathie), l'utilisation astucieuse de la culture britannique (références à Charles Dickens), le soin apporté aux décors et le dynamisme de la mise en scène subjuguent le spectateur. Cet épisode est le véritable coup de feu de la saison. A partir de là, les purs chefs d'oeuvre s'enchaînent avec une régularité saisissante. Nos agents sont plus flegmatiques que jamais dans leurs exploits et semblent s'amuser des délires des mégalomanes qu'ils combattent qu'ils combattent. Le ton est à la nonchalance et à la décontraction la plus totale, loin de l'insupportable sérieux des premières saisons. Les bonnes répliques fusent, les combats sont extravagants, les personnages excentriques, les univers insolites et tous les clichés sur le folklore britannique sont revisités avec une réjouissance quasi orgasmique : les châteaux hantés abritent des sous marins (Le Fantôme du château De'ath), les majordomes s'organisent pour prendre la place de leur maître (Les Espions font le service) et les clubs de fox trot infiltrent en fait des agents soviétiques (La Danse macabre). La série joue habilement sur l'image d'une certaine Angleterre et la détourne complètement avec une sagacité mâtinée humour.
The Avengers se veut aussi ludique et joue avec le téléspectateur, et accessoirement avec ses nerfs, avec des épisodes concepts très osés : Mrs Peel piégée dans une maison labyrinthe (l'oppressant L'Héritage diabolique, sommet d'angoisse de cette saison), Steed et Emma dans une base militaire mystérieusement déserte (L'Heure perdue, épisode quasiment muet et véritable bijou de suspense avec un twist 6ème sensesque). Ces épisodes concepts se multiplieront dans les saisons suivantes. La facilité déconcertante avec laquelle Chapeau Melon et Bottes de Cuir investit et transcende tous les genres est proprement époustouflante et unique dans l'histoire de la télévision. Avec Les cybernautes (qui, cas unique, aura deux suites, dont une dans les New Avengers), la série trempe dans la SF cybernétique avec des scènes d'action qui, 40 ans plus tard, n'ont pas vieilli d'un pouce. Maille à partir avec les taties, pastiche de la série contemporaine aux Avengers Agents très spéciaux, détourne les codes de la série d'espionnage et se révèle être une véritable farce jubilatoire. Comment réussir un assassinat se moque ouvertement du féminisme hard, à l'opposé du féminisme soft de notre chère Mrs Peel. Dans cet épisode, les secrétaires remplacent leurs patrons à coup de dynamite !
Si cette 4ème saison marque l'arrivée en fanfare de l'humour, d'autres épisodes se montrent plus sombres et non moins remarquables. Les chevaliers de la mort est un épisode à l'idée de départ percutante : des vétérans devenus drogués aux frissons du danger et qui mettent en péril leur propre vie pour retrouver ces sensations. C'est le seul moyen qu'ils ont trouvé pour regoûter à ces plaisirs excitants dans une société qui s'attache, au contraire, à gommer au maximum tous les dangers, et qu'ils trouvent trop aseptisée. Cette idée de départ brillante va être développée tout au long d'une intrigue palpitante, parfois aux limites de l'insoutenable. Le sulfureux Club de l'enfer est tout aussi sombre. Erotique (et osons le dire un peu racoleur), violent, il tranche dans une saison par ailleurs bon enfant. Un épisode si houleux qu'il sera censuré lors de sa première diffusion et choquera toute l'Angleterre. La série se veut anticonformiste et compte bien nous le démontrer !
La saison 4 n'évite malheureusement pas les ratages. La Mangeuse d'hommes du Surrey est un pastiche raté des Monster movies, la faute à des effets spéciaux grotesques. Le Jeu s'arrête au 13 ou La Poussière qui tue souffrent eux aussi d'un budget qui reste très réduit. Par ailleurs, le schéma narratif de la série tourne parfois au procédé et on a l'impression que beaucoup d'épisodes ont exactement le même moule, ce qui empêche tout effet de surprise. Chapeau Melon et Bottes de Cuir acquiert ses galons de série culte avec cette saison, où la série fait un bond artistique magistral et avec laquelle le style Avengers arrive.
Après l'apport du support film pour la saison 4, c'est l'arrivée de la couleur avec la saison 5. Cette saison 4 reprend le style de la saison précédente : on se moque de tout mais avec panache, élégance et britishness. Les superlatifs manquent pour caractériser cette saison, considérée à juste titre comme l'âge d'or de la série. Ce qui la démarque le plus face aux autres saisons, c'est la qualité constante dont elle fait preuve. L'homogénéité filmique de la saison, au risque de tomber dans une inertie artistique, est stupéfiante. L'imagination des scénaristes est quant à elle à son zénith. Le style des Avengers est pleinement maîtrisé par une équipe de création qui ose, qui ose et qui ose ! Le perfectionnement artistique, grâce aux soutien financier des Etats-Unis, est bien visible à l'écran : les combats sont parfaitement chorégraphiés, les cascades impressionnantes, les décors rutilants, les effets spéciaux épatants... Difficile de ne pas se laisser happer par l'univers coloré et flamboyant de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Surtout que Mrs Peel en couleur est encore plus irrésistible qu'en N&B ! Les histoires sont encore plus loufoques, donc encore plus délectables. Les méchants sont encore plus barrés, donc encore plus réjouissants. Steed est encore plus dandy, donc encore plus iconoclaste.
Le duo qu'il forme avec Mrs Peel est réglé comme une montre suisse et rentre dans les annales de la télévision. Souvent copié, jamais égalé. Leur tension amoureuse, pourtant à peine exploité de leur propre volonté par les scénaristes, est telle qu'on passe son temps à se demander, comme le public britannique à son époque : l'ont-ils fait ou pas ? Les scénaristes vicieux distillent des indices au compte goutte mais laissent planer l'équivoque. Si bien que le spectateur ne saura finalement jamais si ce couple mythique aura connu les grandes choses. Pour ma part, leur tendre complicité me laisse sérieusement penser qu'ils partageaient bien plus qu'un simple verre de champagne, une fois leur mission achevée. Comme je l'ai affirmé plus haut, les scénaristes sont allés plus loin dans la démesure et l'absurde cette saison dans des intrigues trépidantes et souvent en trompe l'oeil. Ainsi, nos agents favoris font des voyages dans le temps (Remontons le temps), affrontent un super héros (Le Vengeur volant à l'ingénieux côté comic), concourent dans un rallye mortel (La Chasse au trésor) et sont piégés par des réalisateurs mégalomanes (Caméra meurtre, attention chef d'oeuvre). C'est léger, c'est frais et c'est proprement revigorant : la série ne se prend jamais au sérieux et va même jusqu'à se moquer d'elle-même (Qui suis-je ???). La série est encore plus ludique que l'année précédente et ressemble parfois à un gros bonbon acidulé avalé d'un trait par les grands enfants que nous sommes. Tout le monde semble s'y amuser. Le spectateur aussi. Cette 5ème saison est purement géniale. De la cocaïne télévisuelle (et légale !) à consommer avec immodération.
C'est Tara King (jouée avec malice par Linda Thorson) qui arrive pour cette 6ème et malheureusement ultime saison. Une nouvelle fois coup de chapeau (melon bien sûr !) aux scénaristes qui parviennent à se montrer encore plus extravagants que l'année précédente. Si la qualité est moins constante, la série sait évoluer avec une mise en scène encore plus sophistiquée cette saison. Le personnage de Tara King, souvent injustement vilipendé, va connaître une évolution profonde lors de ces 33 épisodes. De jeune agent novice, elle va devenir une alliée indispensable à Steed. La spontanéité et la certaine innocence insufflée par Linda Thorson à son personnage permettent à la série de se renouveler avec une nouvelle dynamique. Toutefois, la relation qu'elle entretient avec Steed est clairement moins ambiguë, et donc forcément moins exaltante, que le duo Steed/Mrs Peel. Leur association n'est plus aussi d'égal à égal. Steed trouve en Miss King une jeune débutante à former et Tara King voit en Steed une figure protectrice et paternelle.
Délaissant donc les marivaudages de leur couple star, les auteurs des Avengers ont écrit des histoires plus extravagantes, burlesques et improbables que jamais, dont certaines sont au panthéon des meilleurs épisodes de la série, toute saisons confondues. Jeux ou le délirant Clowneries sont à cet égard deux véritables joyaux télévisuels. Les Avengers peuvent tout se permettre : parodier le Prisonnier (Etrange hôtel), Sherlock Holmes (Trop d'indices qui pervertit joyeusement les codes des detective stories) et même Jack l'éventreur (Brouillard aux décors brumeux qui ne sont pas sans rappeler ceux de la Hammer). Si les scénaristes se montrent parfois moins inventifs, leurs récits sont toujours parfaitement troussés : Un Dangereux marché ou Meurtre au programme en attestent. Ils continuent aussi à varier les tons pour des réussites éclatantes comme le très noir Pandora ou le déroutant Noël en février. Cette 6ème saison fait le tour de force d'être encore meilleure que la précédente. On se remet rapidement du départ de Mrs Peel avec des épisodes toujours plus excentriques et donc jouissifs. Chapeau Melon et Bottes de Cuir est toujours aussi décalé et audacieux pour un résultat jubilatoire de bout en bout, malgré quelques rares baisses de régime.
Les Avengers tirent finalement leur révérence en nous quittant en fusée ! Une fin insolite à la hauteur de cette série désormais mythique.