samedi 13 juin 2009

Short cuts / Robert Altman


Los Angeles. En trois jours, entre une invasion d'insectes et un tremblement de terre, une bonne vingtaine d'existences se croisent, s'ignorent, se gâchent, prolifèrent. Un flic égoïste et cavaleur, un chauffeur de limousine alcoolique et amoureux, un enfant qui agonise à l'hôpital, un présentateur télé... Robert Altman, disparu récemment, avait ici cousu ensemble neuf nouvelles et un poème de Raymond Carver en un étrange patchwork nommé Short Cuts, comprenez "raccourcis". A travers une multitude de personnages (interprétés de façon éblouissante), reliés par de fragiles passerelles, le cinéaste se livre ici magistralement à son exercice favori, d'Un mariage à The Player ou Prêt-à-porter. Pas de liens, sauf accidentels, entre les membres de cette foule diffuse. Il suffit d'un hoquet pour passer d'un destin à l'autre, comme dans une suite de conversations entendues par mégarde, brouhaha vivant et inachevé : du drame au cocasse, du dérisoire à la gravité. Altman réduit la narration en poussière. Pas de tension romanesque. Pas de début, pas de fin. Du hasard, un jeu des sept familles grandeur nature, âpre et désenchanté. Le spectateur reste un visiteur indiscret, qui "soulève les toits des maisons ", observe le grouillement absurde et déchirant des mesquineries, des folies, des contradictions. Le film a failli s'appeler Les Américains. Altman y évoquait son peuple, à travers ces gens que, disait-il, il n'aurait pas invités à dîner. C'est le survol, cruel, distant, d'une société pourrissante, qui s'étend bien au-delà des frontières de Los Angeles, aux fêlures de l'Occident. Son mépris apparent recèle de la compassion. Mais une compassion terrible, parce que totalement désabusée.

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