La bonne nouvelle circulait depuis quelques semaines dans la presse anglaise, américaine et même française sur ce chef-d’œuvre, qu’est Cold fact, le premier album de Sixto Diaz Rodriguez. Ce trésor oublié de la fin des années 60 et réédité cette année pour notre plus grand plaisir par "Light In The Attic" qui s’est emparé des droits et a ressorti de fort belle manière Cold Fact. Bien leur en a pris. Depuis quelques semaines, un buzz tout droit venu du net monte concernant cet album. Et il est mérité. Ce disque laisse pantois tant la musique et les textes restent d’une confondante actualité. Pas étonnant que la presse de l’époque ait affublé cette canaille du surnom de "Dylan psyché". On serait tenté d’ajouter que l’animal a aussi beaucoup d’un Lou Reed, pour ses descriptions de la rue, avec son cortège de came, de putes et de proxénètes. Sur le généreux livret qui accompagne cette réédition, on apprend notamment que Rodriguez souhaitait avant tout jouer dans des bars bien crades et louches, genre bocsons ou repères de «bikers». Rodriguez livre des chroniques sur l’agitation sociale, l’inertie politique et la désillusion (ce qui explique le succès qu'il rencontre en Afrique du Sud), portées par une musique où fusionnent folk, rock, blues et soul. Cet ambassadeur a entretenu la rébellion et a sans doute contribué, à son échelle, au changement. Et pourtant, ces titres n’ont pas convaincu le public, malgré quelques critiques élogieuses, à l’époque. Fin 71, rejeté par tous, de la pire façon possible lorsque l’on est artiste, c’est-à-dire en recueillant le mépris, Rodriguez, contraint et meurtri, relègue dans sa vie la musique au second plan, étudie la philosophie et se lance dans une carrière politique. Juste quand on croit avoir affaire à un troubadour déjanté Sugar Man, affligé des gimmicks de productions de l'époque (sifflets à eau, melotron), on se fait matraquer par des guitares sous LSD de Only Good for Conversation, pur orgasme psychédélique. Ce disque est une glissade sur montagnes russes sonores : on passe du protest song sur fond de trompettes Herb Alpert, à la harangue plus franchement talking-blues dylanesque, via la guimauve insauvable Forget It, le tube incontournable Mamas & Papas Inner City Blues, le folk-rock jingle-jangle Like Janis, etc. Pépite. La voix de Rodriguez est aussi coupante et métallique que ses cordes de guitare sèche, tantôt une sorte de José Feliciano méchant And Frankly I Couldn't Care Less, tantôt de Donovan sur I Wonder. Tout ça produit par deux requins de studio de Motor City. Mike Theodore, arrangeur et pianiste habille la pépite avec goût et un sens très sûr de la variété, au sens noble du terme. Bref, Cold fact est un album captivant de bout en bout, qui s'écoute ainsi sans qu'on ait jamais l'impression de se promener dans un musée seventies, plein d'un charme et d'une énergie qui font les grands disques. A ranger aux côtés de disques tels que Abbey road, L.A. woman, Pet sounds, Blonde on blonde, London calling etc...
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