dimanche 21 juin 2009

Mad men



New York, les années 60. Les agences de publicité sont au sommet de leur gloire et exercent leur influence sur le plus grand nombre. La célèbre Sterling-Cooper Advertising agency, spécialisée dans la mise en place de campagnes promotionnelles, (que ce soit pour une marque de cigarettes ou pour un des candidats à l'élection présidentielle) écrase la majorité de ses concurrents. Son directeur de publicité, Don Draper, manipulateur et intelligent, mène de main de maître sa carrière, sa famille et ses relations extraconjugales. Cependant, son succès fait parler, et très vite, les requins évoluant autour de lui cherchent leur place au soleil, à ses dépens...

Composée d'un casting très hétéroclite, la première saison de Mad Men foisonne d'intrigues aux multiples rebondissements. Mais avant une narration extrêmement riche, Mad Men est d'abord un contexte et un point de départ qui tranche avec les séries actuelles. Située au début des années 60, la série décrit avec un sens du détail et du réalisme qui force le respect, les moeurs et les coutumes d'hommes et femmes New Yorkais. Nous sommes plongés dans un monde où les femmes n'ont encore qu'un rôle secondaire au sein de la société, le rôle de la femme au foyer ou au travail bien inférieur à celui des hommes. Elles sont encore dépendantes de leurs maris ou de leurs patrons.

Les personnages féminins décrits dans la série cristallisent le besoin d'émancipation et l'évolution progressive des femmes à cette époque là : d'un côté, Peggy est une jeune secrétaire vivant en colocation et qui entame son premier travail à la Sterling Cooper Agency. De l'autre côté, nous avons Joan, une femme fatale, bien dans sa peau et capable de jouer de sa féminité pour obtenir ce qu'elle désire. Toutes deux ne sont encore traitées que comme inférieures par leurs collègues masculins jusqu'au jour où Don Draper autorise Peggy à participer à l'élaboration d'une campagne de promotion pour un produit censé apporter du plaisir aux femmes. Un troisième personnage féminin décrit tout aussi bien le rôle que la femme jouait ces années-là : Betty Draper, l'épouse de Don, parfaite femme au foyer, entièrement dévouée à son mari et pourtant sujette à de nombreuses crises d'angoisse, phénomène récent et révélateur de l'évolution des individus en 1960.

Mad Men s'attache donc à décrire la société américaine des années 60. La mode de la cigarette, l'alcool et les préjugés raciaux étaient de mise et s'expriment à travers chacun des personnages. La cigarette est une partie importante de cette première saison. Chaque personnage fume dans chaque épisode. Lors du premier épisode, Don Draper s'atèle à la création d'une campagne de pub vantant les mérites d'une marque de cigarette, au moment même où le célèbre magazine Reader Digest annonce pour la première fois que la cigarette peut entraîner un cancer du poumon.

La série présente de nombreux personnages masculins, fiancés ou mariés, entretenant des liaisons adultères. Draper vit, en dehors de son mariage, une liaison avec Midge, une artiste issue des milieux hippies. C'est avec elle que l'on découvre l'avènement de la Beat generation, une génération d'écrivains américains qui célèbrent la spontanéité créative et le non asservissement à la société, une génération qui fut d'ailleurs portée par son leader le plus reconnu : Jack Kerouac. Mad men est donc, en plus d'une série extrêmement bien écrite et ciselée, un foison de culture faisant la part belle aux grandes innovations et courants de ces années 60.

Le milieu de la pub y est décrit comme un rassemblement de jeunes blancs à l'attitude obséquieuse, aux dents aussi acérées que celles d'un requin et extrêmement prétentieux (comme le personnage de Pete Campbell, concurrent direct de Don Draper). La série suit alors la vie d'un groupe d'hommes et de femmes au sein d'une société en pleine mutation et se trouvant à un carrefour avec les élections présidentielles opposant Kennedy et Nixon. Les scénaristes décrivent les moyens de propagande utilisés par les agences de pub pour soutenir la campagne du candidat républicain Nixon qui perdra son élection.

Mais au-delà de ce réalisme prenant, le coeur de la série se trouve dans ses personnages très bien écrits et interprétés. Tous sont fragiles et abordent ces mutations sociales et culturelles d'une manière toujours maladroite. Certains subissent les pressions de cette société (notamment Salvatore Romano qui préfère réprimer ses envies homosexuelles pour flirter avec les femmes de la société), tandis que d'autres essaient d'évoluer et de survivre. Mad Men est une série brillante, un vrai chef d'oeuvre du petit écran qui surpasse et de très loin, les séries actuellement au top des audiences. Avec les barrières et les interdits des années 60, Weiner a réussi à exploser toutes les conventions érigées autour des séries télé historiques en les réinventant. Un must à ne surtout pas rater !

Don Draper
Directeur de pub et éventuellement futur partenaire, Don Draper est le personnage principal de la série. Il cache une grande partie de son passé à ses proches et sa famille. Son vrai nom est Dick Whitman et il est le fils d'une prostituée qui décéda au moment de l'accouchement. Il fut pris en charge par son père et sa femme jusqu'à ses dix ans lorsque son père fut blessé au visage par un cheval et mourut. Sa belle mère s'occupa de lui et lui donna une enfance malheureuse, lui rappelant sans cesse qu'il est le fils d'une prostituée. Elle lui donna un frère, Adam. Durant le service militaire de Dick, un officier du nom de Don Draper fut tué et Dick emprunta son nom pour couper les ponts avec sa famille et changer de vie. Don devint alors un homme brillant avec une grande carrière dans la pub. Sa vie pourrait paraître parfaite, mais il se noie dans la cigarette, l'alcool et les femmes. Lorsqu'il paraît heureux au sein de sa famille, il se réfugie vers Midge, ou vers une de ses clientes Rachel Menken.

Peggy Olsen
Peggy est la nouvelle secrétaire de la Sterling-Cooper agency. Timide et réservée, elle cache une envie de réussir encore récente chez les femmes de ces années là. Draper la soutient et arrivera à la mettre au rang de première employée féminine non secrétaire. Peggy est souvent la cible de nombreuses moqueries de la part de ses collaborateurs masculins, et elle se confronte à l'aigreur de sa jeune collègue Joan. Elle va entretenir une liaison avec Pete Campbell alors que celui-ci s'est récemment marié et elle tombera enceinte.


Pete Campbell
Récemment embauché à l'agence, Pete Campbell ne fait pas l'unanimité parmi ses supérieurs. Mais il possède une certaine immunité puisqu'il vient d'une famille très riche et toujours influente à Manhattan. Il est prêt à tout pour réussir et accumule parfois les erreurs, se confrontant aux choix et aux idées de Don Draper. Il ira même jusqu'à le menacer de révéler sa véritable identité s'il ne lui donne pas de promotion. Pete traite les femmes à son travail avec un mépris non dissimulé, notamment Peggy, avec qui il entretient une liaison, et sa femme.

Betty Draper
C'est la femme de Don et la mère de ses deux enfants, Sally et Bobby. Elle représente la femme au foyer exemplaire des années 50. Elle était autrefois mannequin, mais elle a abandonné sa carrière pour Don. Malheureusement ce dernier ne semble plus amoureux de sa femme, et cette dernière veut à tout prix garder les apparences. Elle fait attention aux moindres détails et consulte récemment un psychiatre suite à la mort de sa mère, elle-même très portée sur les apparences et le contrôle. Elle se retrouve souvent seule chez elle et voudrait que son mari tienne plus compte de ses désirs.

Joan Holloway
Elle gère les activités dans l'agence et agit comme un mentor pour Peggy, tout en étant une de ses rivales directes. Joan est une femme séduisante qui joue de son charme et a une liaison avec Roger Sterling avant sa crise cardiaque. Tandis que Peggy souhaite rejoindre les hommes de l'agence, Joan préfère les manipuler à l'aide de ses atouts de charme. Toutefois, elle aimerait trouver un homme pour de bon et s'installer. Elle vit en colocation avec une amie connue à la fac. Cette dernière est secrètement amoureuse de Joan et verra se première tentative de rapprochement échouer.

Roger Sterling
C'est l'un des partenaires de l'agence et un bon ami de Don. Il use et abuse de l'alcool et des femmes et souffrira d'une crise cardiaque. Il a une femme, Mona, qu'il trompe fréquemment et une fille, Margareth avec qui il communique peu. Peu après son attaque, on apprend qu'il aime malgré tout sa famille et que son comportement nonchalant n'est qu'une façade.

Midge Daniels
Illustratrice et artiste, elle est engagée dans une liaison avec Don Draper. Elle est impliquée dans le mouvement des Beats et d'autres mouvements hippies. Draper met fin à sa liaison avec Midge quand il découvre qu'elle est amoureuse de quelqu'un d'autre.

Salvatore Romano
Directeur du département artistique, Salvatore refoule son homosexualité et refuse une proposition de la part d'un employé de la campagne Belle Jolie pour un rouge à lèvre. Il avoue avoir eu des attirances pour un autre homme, mais il n'est jamais passé à l'acte. Pour garder les apparences, il rejoint les autres hommes de l'agence et s'engage dans une séance de flirt intensif avec la majorité de leurs collègues féminines.

Succès de l'année 2007 aux Etats-Unis, mais boudée par les grandes chaî nes françaises (seules TPS Star et Canal+ Décalé l'ont diffusée), la série Mad Men obtient enfin l'exposition qu'elle mérite : dès dimanche, Canal+ programme les premiers épisodes de cette formidable plongée dans les sixties, avant d'enchaîner sur la deuxième saison à la mi-juin. L'occasion de s'enivrer de l'ambiance sophistiquée et enfumée de l'agence de pub new-yorkaise Sterling Cooper, centre névralgique de l'intrigue. Don Draper (Jon Hamm) y est le séduisant directeur de création, planchant, clope au bec et verre de whisky à la main, sur les plus importantes campagnes du moment (cigarettes, grands magasins, candidat à la présidentielle...), en compagnie de ses collaborateurs - tous des hommes, évidemment. Epoux d'une « desperate housewife » qui s'ignore (January Jones, aux faux airs de Grace Kelly), amant d'une illustratrice émancipée (Rosemarie DeWitt) et patron d'une secrétaire fraîchement débarquée du fin fond de Brooklyn (Elisabeth Moss), l'élégant héros - sorte de Gregory Peck sur petit écran - a tout pour être heureux. Sauf que l'image du bonheur américain ne correspond pas tout à fait à la réalité - vous comprendrez bien vite pourquoi.

L'homme derrière ce petit bijou, qui a reçu le Golden Globe et l'Emmy Award de la meil leure série dramatique, s'ap pelle Matthew Weiner. A 43 ans, cet expert des années 50 et 60 (« partager les références de mes parents était le seul moyen d'avoir une conversation avec eux ») a déjà fait ses preuves : il fut l'un des scénaristes et producteurs des Soprano. Mais Mad Men avait été écrit bien avant. Dès sa sortie de l'école de cinéma, au début des années 1990, Matthew Weiner s'attelle à un scénario autour du personnage de Don Draper, le héros trouble de la série. Tout y est : le passé opaque du publicitaire, sa participation à la Seconde Guerre mondiale... Mais faute de temps et de moyens, le film ne se fait pas. Quelques années plus tard, alors qu'il travaille sur une sitcom, Weiner s'inspire du script pour un projet qui lui tient à coeur : Mad Men. Ce qu'il veut faire ? Analyser le comportement humain, sans manichéisme, en se servant du milieu de la pub comme d'un « moyen de parler de l'image que nous avons de nous-mêmes, à l'opposé de ce que nous sommes réellement ». Son écriture est ciselée, subtile, intelligente. Sa capacité à décrire le début des années 60, à la fois sexiste, anti­sémite, ségrégationniste et, déjà, moderne et revendicatif, est remarquable. Le créateur des Soprano, David Chase, ne s'y trompe pas : il lit le scénario et décide d'engager le petit génie dans son équipe.

A la retraite des Soprano, Matthew Weiner reprend son projet. Il le propose aux chaînes câblées HBO et Showtime - sans succès. Finalement, la chaîne AMC - qui n'a jamais produit de série dramatique - accepte. Et donne carte blanche au créateur. Perfectionniste, celui-ci en profite pour tout contrôler : il coécrit tous les épisodes, en réalise quelques-uns, devient producteur de la série, donne son avis sur le choix des comédiens, des costumes, des décors. Rien n'est laissé au hasard. Lors du développement, plus de quatre-vingts personnes sont ainsi chargées du moindre détail visuel (décors, costumes, accessoires...). Résultat : où que vous regardiez, des énormes machines à écrire des secrétaires aux fantastiques robes de Betty, du superbe générique aux musiques de fin, tout est pensé avec talent, dans une palette de couleurs aussi classe que sobre, pour « faire sixties » sans tomber dans un maniérisme de musée. Une façon de faire qui ravit aussi bien les yeux que l'esprit, et qui réussit à Weiner : Mad Men a été reconduit pour une troisième saison.